Genre : Science-fiction, horreur.
Un film américain de Ridley Scott, avec Noomi Rapace, Michael Fassbender, Charlize Theron…
Note : 8/10
L’histoire : Une scientifique, Elizabeth Shaw, part avec l’équipage du Prometheus à la recherche de nos origines sur une planète lointaine… Et là, c’est le drame.
Dire que Prometheus était attendu au tournant serait bien en deçà de la réalité. Clamons plutôt qu’il était attendu comme le messie par une horde de fantasticophiles biberonnés aux deux grands récits de science-fiction de Ridley Scott, Alien et Blade Runner. Ce dernier fêtant cette année ses trente ans, il faut rappeler que le père Scott n’a pas remis les pieds dans la SF depuis lors. Entre temps, il a acquis un statut de réalisateur culte, que la presse et l’Académie des Oscar lui a reconnu avec bien du retard, c’est-à-dire à peu près à la sortie de Gladiator, péplum relativement maladroit. Et c’est depuis justement la fresque qui a fait de Russel Crowe une star de premier ordre que les cinéphiles, les purs et durs, ne se reconnaissent plus en Ridley Scott, que beaucoup disent fatigué et incapable de créer des univers à grande envergure comme il savait si bien le faire auparavant. Injustes, les cinéphages ? Pas vraiment, car en dehors d’une somptueuse version longue pour Kingdom of Heaven et de quelques films bien troussés mais pas sensationnels pour autant (Robin des Bois, par exemple), il faut bien avouer qu’une certaine baisse qualitative se faisait ressentir dans la mise en scène du réalisateur de Thelma & Louise.
C’est là qu’intervient Prometheus, un temps annoncé comme une simple suite à la saga Alien (sous le titre Alien Paradise), mais faisant finalement autant figure de préquelle au mythe que d’introduction à une nouvelle série de films. « Les fans y reconnaîtront l’ADN d’Alien », avait annoncé Scott. C’est peu de le dire, Prometheus reprenant jusqu’à la structure narrative du légendaire premier volet: présentation de l’équipage et d‘un robot, arrivée sur une planète lointaine, affreuse découverte, mort des membres de l’équipage les uns après les autres… Tout y passe, et le scénariste Damon Lindelof semble bien perdu entre la volonté de créer une toute nouvelle franchise et celle de rendre hommage aux aventures d’Ellen Ripley plus ou moins habilement. C’est là le principal défaut d’un long-métrage qui aurait sans doute gagné à n’être que Prometheus, et non pas aussi une relecture d’Alien. Que les deux films se passent dans le même univers, soit, mais de là à être constamment le cul entre deux chaises…
Lindelof, qui officiait déjà sur Lost, écrit avec Prometheus le condensé de ce qui aurait pu être une saison entière à la télé. Pour notre plus grand bonheur, le rythme est haletant, mais les cliffhangers, la fin ouverte et les multiples incohérences vouées à disparaître avec le visionnage d’une suite laissent un arrière goût amer. Expurgé de ses dernières minutes, Prometheus aurait pu se suffire à lui-même, ce qui n’aurait pas été plus mal. Les fans auraient alors pu faire d’eux même le lien avec Alien.
(ATTENTION SPOILERS) Le derelict vu en fin de métrage est-il le même que celui échoué sur la planète que va fouler Ripley quelques années plus tard ? Le xénomorphe aperçu dans le dernier plan est-il le premier de son espèce ? L‘auteur de ces lignes s‘est prêté au jeu des suppositions… Pris dans une guerre inter-espèces, les Ingénieurs qui vouent un culte aux xénomorphes auraient créés les Humains sur Terre dans le seul but de les contaminer afin de se constituer une armée de vilains aliens prêts à rendre visite à leurs adversaires. Mais quels seraient alors les ennemis des Ingénieurs ? Peut-être justement des Dieux, qu’ils auraient voulus détrôner comme le veut le mythe de Prométhée, avant que leur plan ne se retourne contre eux et les décime les uns après les autres. D’où leur colère contre les Humains, eux aussi lancés dans une course effrénée pour surpasser leurs créateurs. Et eux aussi ayant créé une autre espèce (les robots). Le feu sacré étant le don de vie, tout simplement.
Weyland, prêt à dépenser des milliards pour prolonger sa vie, est aussi le père de Vickers, interprétée par la sublime et percutante Charlize Theron. Sûrement déçu d’avoir eu une fille, le milliardaire s’est conçu un fils, David, robot à l’image (dans ses yeux et dans sa blondeur) de Meredith. Dans le rôle de celui-ci, Michael Fassbender excelle (il est l’un des seuls personnages à bénéficier d’un traitement de premier ordre), et parait en fin de compte plus humain que certains membres de l’équipage. Lui aussi se demande dans quel but il a été créé, se cherche un modèle en la personne de Lawrence d’Arabie, et souhaite prendre la place de son « père ». Bien sûr, Vickers le jalouse.
Ce qui est passionnant dans Prometheus, c’est que chaque espèce cherche à surpasser son créateur. D’où l’importance d’un personnage comme Elizabeth Shaw, héroïne du film (formidable Noomi Rapace), scientifique catholique (oui, c’est possible), avant tout à la recherche de réponses. Jusqu’à la fin du métrage, elle restera confortée dans sa croyance (« Ils nous ont créés… Mais eux, qui les as créés ? ») et se demandera pourquoi les Ingénieurs en veulent aux Humains. Pourtant c’est elle-même, un peu plus tôt, qui après avoir appris qu’elle était enceinte d’un monstre, ira machinalement se faire opérer dans ce qui restera le principal morceau de bravoure du film, une scène de césarienne tétanisante et déjà culte à déconseiller aux plus claustrophobes des spectateurs. (FIN DES SPOILERS)
Vous l’aurez compris, bien qu’imparfait, le scénario amène des idées absolument fascinantes. Scott et Lindelof écrivent de la SF métaphysique comme on n’en voit plus tous les jours et visent clairement le sacro-saint 2001 de Kubrick. Mais Scott a toujours, dans ses grands récits, posé des questions existentialistes et visé les cimes de la science-fiction pour adultes. Car en plus d’être intelligent, le film est bien violent comme il faut, et se révèle être pas moins que la face sombre d’Avatar. Scott ne le cache d’ailleurs pas, son film ayant été mis en production avec la ferme intention de faire la nique à James Cameron. Si le tout n’est pas aussi axé horreur qu’ Alien- le huitième passager, on ne peut que féliciter la Fox d’avoir produit le film d’épouvante le plus cher de l’histoire du cinéma. Avec son classement R (interdit aux moins de 17 ans non accompagnés, aux Etats-Unis), Prometheus se permet, en plus de ses nombreuses images spectaculaires, quelques insultes et quelques effets gores du plus bel effet.
On remarquera une certaine tendance au lissage (le film est trop propre), une bande originale pas folichonne signée Marc Streitenfeld (déjà à l’œuvre sur Robin des Bois), des situations humoristiques pas vraiment nécessaires (les deux sidekicks sont d’un lourd !)… Mais pas de quoi gâcher un spectacle qui se veut total. Prometheus est un grand huit d’enfer, une poussée d’adrénaline d’exception (la scène de la tempête est à ce titre monumentale) ainsi qu’une prouesse esthétique. Du travail de Giger pour Alien, tout est intact et Scott se plait à user de ses nouveaux jouets technologiques sans pour autant tomber dans les travers bien connus de la prélogie Star Wars.
Dans Prometheus, un juste équilibre entre imagerie numérique et décors en dur a été trouvé. Cela passe aussi bien par les décors que par les vilaines bestioles, impressionnantes autant en images de synthèses qu’en animatroniques. Un travail admirable auquel vient rendre grâce une photographie et une mise en scène étincelantes. C’est beau à en pleurer, et Ridley Scott semble avoir compris que bouger sa caméra dans tous les sens n’avait aucun sens en 3D. Ici, bien souvent, il pose sa caméra pour composer des tableaux d’une envergure sans pareille et dispose ses comédiens de sorte à développer considérablement les effets de profondeur.
Prometheus est la preuve que le réalisateur de Legend n’attendait qu’un grand récit de science-fiction pour faire son retour sur le devant de la scène. Il signe là son meilleur film depuis Blade Runner (sans pour autant en atteindre la perfection formelle), et prouve qu’il « en a » encore « dans le ventre ». Du début à la fin, c’est un régal que vient juste entacher un scénario quelquefois maladroit et des contraintes commerciales évidentes. Si Prometheus ne fait pas l’unanimité maintenant, il faut s’attendre à le voir gagner l’estime des cinéphiles (forcément divisés) dans quelques années. Et puis, avec une fin aussi ouverte, on peut supposer qu’on jugera à nouveau le dernier métrage de Ridley Scott une fois l’œuvre complète, c’est-à-dire une fois le deuxième volet (voire le troisième) sorti.
Tout simplement grisant.
UPDATE 1 DU 19/06/2012 (SPOILERS): « Au jeu des suppositions » , que je disais plus haut… Mais Ridley Scott lui-même s’est exprimé sur le sujet… Le film étant bien mystérieux, il a voulu éclaircir certains points, et le pourquoi du comment les Ingénieurs en sont arrivés à détester les humains semble finalement assez différent de celui évoqué en ces lignes (voir ici les propos de Sir Ridley Scott). La critique publiée ici-même ne sera cependant pas modifiée (parce que c‘est mal et que ça ne se fait pas). À préciser aussi qu’une version longue et des scènes coupées devraient être disponibles sur une édition future du Blu-ray du film. Au programme, en tout une demie-heure passée à la trappe, selon les rumeurs, dont l’introduction en version rallongée (avec deux Ingénieurs au lieu d’un). Vivement.
Crédits photos: Rottentomotoes, comme d’habitude.