Je n’ai pu m’empêcher de rire lorsque mon ami BluberryKing a publié son article « Contre l’élitisme des prépas à la française ». Je pense que s’il fallait critiquer les méthodes d’enseignement liées aux classes préparatoires, je suis mieux placé que mon ami pour le faire. En effet, je suis passé par la case prépa et j’ai aussi un pied dans le système éducatif post-bac. BluberryKing ayant fait une école post-bac ne possède pas suffisamment de compétences et d’expérience pour donner un avis objectif, ni moi d’ailleurs. Je ne suis pas là pour surenchérir ou bien dénigrer son article. Ceci n’aurait, tout d‘abord, pas de sens et ensuite, il aurait fallu un énième article pour nous départager. Mais je pense qu’ayant vécu dans ce système très controversé qu’est la prépa, j’ai quelques éléments qui permettront d’arrondir les angles.
Qu’est-ce qu’une classe préparatoire ?
Les Classes Préparatoires aux Grandes Ecoles (CPGE), ou plus couramment les classes prépas ou prépas, sont divisées en trois filières : scientifique, littéraire et économique/commerciale. L’admission se fait sur dossier après le baccalauréat, pour une durée de deux ans. Comme son nom l’indique, une classe prépa prépare l’élève à intégrer une Grande Ecole ou une école supérieure.
- Pour les prépas scientifiques : l’école « des mines », les écoles d’ingénieur, les écoles vétérinaires …
- Pour les prépas littéraires : les écoles normales supérieures, les Instituts d’écoles politiques, les écoles nationales des chartes ou bien les écoles de commerce.
- Pour les prépas économiques et commerciales : les écoles supérieures de management, de gestion et de commerce.
Les concours d’entrée aux grandes écoles sont généralement très difficiles, ce qui explique les deux ans de préparation en amont. Pour reprendre l’expression de BluberryKing, il n’y a pas une « simple accumulation bête et méchante de connaissances », mais un travail intensif d’ouverture sur le monde. Les classes prépas organisent la formation des étudiants autour d’un travail pédagogique intense. Elles misent tout sur l’exigence et la rigueur, la régularité de l’effort ainsi que sur la combinaison d’un encadrement individuel et d’une dynamique collective. « Les classes préparatoires sont un service public d’enseignement dont les programmes, les horaires, et les pratiques sont encadrées par deux Ministères, celui de l’Education Nationale et celui de l’Enseignement Supérieur. Leur spécificité est ainsi de délivrer une formation relevant du supérieur dans un cadre, et avec des méthodes, qui relèvent du secondaire. Elles sont donc idéalement placées pour assurer la transition entre les exercices du lycée et les exigences de la recherche telles que les étudiants les rencontreront, en aval, dans leur poursuite d’études. La formation qu’elles délivrent s’insère ainsi parfaitement dans le paysage de l’enseignement supérieur, puisque le cycle de formation qu’elles proposent donne lieu à l’attribution de crédits ECTS, permettant, à la fin de chaque semestre, de réintégrer, en France, en Europe ou ailleurs, une formation universitaire. Notons que ce dispositif, qui suppose une Attestation Descriptive fort précise des enseignements reçus, et enlève donc toute opacité franco-française à la formation délivrée en classes préparatoires, est en place depuis 2007. […] L’esprit qui règne dans ces classes est en effet celui d’une extrême attention des professeurs à l’endroit d’étudiants auxquels ils savent qu’ils demandent beaucoup. Très loin d’être le lieu dévolu à la « casse » des élèves, les classes préparatoires sont des lieux où les pratiques du lycée ont conservé leur cours : un horaire hebdomadaire important, des devoirs écrits et des interrogations orales régulières, un encadrement rapproché par des professeurs engagés, au sein de groupes à l’effectif stable, permet aux meilleurs étudiants de cultiver leur talent et de nourrir les plus hautes ambitions, comme ils permettent aux étudiants plus fragiles d’acquérir les méthodes qui leur manquent, de préparer leur réussite universitaire, et de compenser, le cas échéant, les fragilités qu’une origine sociale moins favorisée aura pu leur imposer. La relation qui se tisse entre professeurs et élèves de classes préparatoires est, dans l’immense majorité des cas, une relation de confiance et d’étonnante proximité. Il importe d’ailleurs ici d’indiquer avec force que cette qualité est une règle nationale et qu’elle s’observera aussi bien dans les établissements d’élite que chacun connaît, que dans les classes préparatoires plus modestes, où elle peut sembler aller davantage de soi. Les directions, comme les enseignants, des grandes écoles en témoigneraient aisément : leurs élèves intègrent avec un fort sentiment de reconnaissance intellectuelle à l’égard de leurs professeurs de classes préparatoires, et non avec la rancœur ou l’angoisse silencieuse des victimes. Le passage en classe préparatoire ouvre des portes, mais pas au prix, contrairement à ce qui se dit, d’un sacrifice, qu’il s’agirait d’accepter de subir sans trop en pâtir ; c’est d’abord une aventure intellectuelle et existentielle où se créent entre professeurs et élèves, entre élèves et élèves, des compagnonnages féconds qui durent souvent toute la vie. » (Marc Even)
Manque de professionnalisme ? C’est vrai.
Comme le souligne BluberryKing, il y a un fort manque de professionnalisme. Et oui, en sortant de classe prépa, les étudiants ne sont pas prêts à intégrer le monde professionnel. C’est tout à fait normal ! Les élèves sortant de classes préparatoires ne sont pas encore formés, ils sont seulement au tiers de leur apprentissage. Il leur reste encore trois ans de formation en école supérieure afin de pouvoir intégrer le monde professionnel. Il ne faut donc pas comparer un élève sortant de classe prépa, qui en effet, connait peu du monde professionnel à un élève de BTS (Brevet de Technicien Supérieur) ayant baigné dans ce monde depuis quelques années ! De plus, les CPGE sont gratuites, pas les écoles post-bac.
Les écoles supérieures ne sont pas hermétiques à l’entrée d’élèves ayant un parcours différent. Ces écoles ouvrent leurs portes aux personnes ayant fait un BTS ou bien venant d’IUT (Institut Universitaire de Technologie) et à tous ceux qui réussissent les concours (concours adaptés en fonction du parcours de l’étudiant) En sortant des écoles, le manque de professionnalisme entre les différentes filières n’existe plus.
Chaque année, le thème de « l’enfer des prépas » est remis sur le tapis, généralement en hiver, lorsque les futurs bacheliers doivent choisir leur orientation. Surtout cette année, pendant les campagnes, lors de la révision des budgets. En effet, la gauche souhaite intégrer les CPGE aux universités.
Il y a des problèmes d’inégalité, c’est vrai, mais ce n’est pas en supprimant les CPGE, qui fonctionnent (les anciens n’ont aucun mal à trouver du travail), qu’on va les résoudre. Il ne faut pas se tromper de cible : le problème est que la France investit trop peu dans ses universités, mais pas le fait que les prépas bénéficient d’un soit disant traitement de faveur concernant les budgets alloués. Posons nous les bonnes questions : éliminer les CPGE serait-il avantageux pour des élèves, qui par leur travail acharné et ceci quelle que soit leur condition sociale, se distinguent nettement des autres sur le plan académique ? Il y a une voie pour tout un chacun, pour les bons et les moins bons. L’injustice finalement réside dans le fait qu’en éliminant les CPGE c’est la méritocratie qu’on démantèle.
Sources : Wikipédia, LeMonde.fr, Marc Even